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Les
Dialogues de Luisa Sigea
«(…) Si l’on pèse, en effet, avec
quelque attention les raisons alléguées jusqu’ici pour faire de Chorier
l’auteur incontestable de l’Aloysia, on s’aperçoit que tout ce dont il
est atteint et convaincu, c’est d’avoir corrigé les épreuves des Dialogues,
veillé à leur exécution typographique, reçu gratuitement un certain nombre
d’exemplaires: les choses se seraient passées de même s’il n’eût été que
l’éditeur de l’oeuvre d’un autre; et, quant aux deux pièces de vers qui sont de
lui, elles auraient pu être insérées sans son aveu. En même temps qu’ils ne
trouvent contre Chorier que des présomptions si faibles, tous semblent s’être donné le mot pour prétendre que, dans ses
autres ouvrages, l’avocat Dauphinois est entièrement dépourvu d’imagination et
de style, que son Latin est lourd et pédantesque, sans aucune grâce. Personne
ne soupçonnait Chorier d’écrire si bien en Latin, dit l’abbé d’Artigny. Les
continuateurs de Moréri ont été plus loin encore, en raillant Guy Allard, qui
trouvait aux vers de Chorier de la saveur et de la pureté: cela fait bien peu
d’honneur à son goût, disaient-ils. Charles Nodier s’est sans doute appuyé
là-dessus pour émettre fort légèrement l’assertion suivante: je suis loin de défendre
les moeurs de Chorier, qui lui ont probablement attiré cette méchante
imputation (d’avoir composé l’Aloysia),
mais je connais son style Français et Latin, qui met son innocence à l’abri de tout
soupçon de ce genre. Chorier ne manquait pas d’instruction, mais ce serait se
moquer que de chercher dans ses écrits de la verve et de l’éloquence, et ce
sont les caractères distinctifs de la Latinité néologique et maniérée du faux
Meursius. Qui ne serait trompé, à une affirmation aussi nette? Une chose est
cependant certaine pour nous, c’est que Nodier n’avait pas lu deux pages du
Latin de Chorier; il s’est imaginé en avoir lu. Sans se livrer à de profondes
études comparatives, on reconnaît à première vue dans les écrits Latins de Chorier,
y compris l’Aloysia, les
mêmes procédés de style, les mêmes tournures, les mêmes périodes Cicéroniennes,
le même choix de mots. Si l’Aloysia
se trouve avoir plus d’attraits que la Vie de Boissat, les Carmina ou les Mémoires, cela tient uniquement au sujet; l’écrivain, avec
ses qualités et ses défauts, reste parfaitement identique à lui-même.
La première édition,
parue, comme nous l’avons dit plus haut, vers 1658, ne contenait que six
Dialogues: Velitatio, Tribadicon, Fabrica, Duellum,
Libidines, Veneres; telle se présenta tout
d’abord l’oeuvre originale, telle nous la reproduisons, au moins
provisoirement. Ce n’est pas que nous contestions l’authenticité du Septième, intitulé
Fescennini, que Chorier
crut devoir ajouter à l’édition de 1678. Ce supplément, sans faire corps
avec l’ouvrage et restant en dehors du plan primitif, est bien de la même main,
et l’on penetre sans difficulté le motif qui en a dicté la composition: il fut imagine
pour que l’on pût attribuer l’ouvrage avec une ombre de vraisemblance à Luisa
Sigea, attribution à laquelle Chorier n’avait pas songé d’abord, et
dont l’idée ne lui vint qu’après coup. La scène des six premiers Dialogues se
place en Italie; les interlocuteurs sont tous des Italiens, des Italiennes;
parmi les quelques comparses qui apparaissent çà et là se rencontrent un Français
et un Allemand: d’Espagne et d’Espagnols, pas un mot. Il était bien peu naturel
à Luisa
Sigea de ne jamais parler ni de son pays, ni de ses amis et
connaissances, dans une pareille étude de moeurs, où ce que l’on a sous les
yeux est ce que l’on peint avec plus de précision. Le Septième Dialogue eut
pour but de réparer cette inadvertance; quoique les interlocutrices, Tullia et
Ottavia, restent les mêmes, la scène se trouve transportée en Espagne, sans que
rien n’explique ce changement à vue, et les maris des deux héroïnes sont métamorphosés
en Espagnols pur sang; s’ils ont un voyage à faire, ce n’est plus à Rome ou à
Naples, comme dans les premiers Dialogues, c’est à Tarragone». In Alcide
Bonneau, Curiosa, Essais critiques de Litterature Ancienne Ignorée ou Mal
Connue, Isidore Liseux, Editeur, Paris, 1887,Project Gutenberg.
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