domingo, 1 de dezembro de 2019

Curiosa. Essais de Litterature Ancienne. Alcide Bonneau. «La satire Ménippée est perdue, mais la Sotadique est évidemment celle qu’il a publiée sous le nom de Luisa Sigea»

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Les Dialogues de Luisa Sigea (XXI)
«A supercherie littéraire dont Chorier s’était avisé, pour se mettre à couvert, en attribuant ces Dialogues à Luisa Sigea de Tolède, dont le manuscrit perdu aurait été traduit en Latin par le savant Hollandais Meursius, n’a pas eu un succès de bien longue durée. L’opinion, un moment égarée, n’a pas tardé à faire justice de l’assertion facétieuse qui prêtait à la vertueuse fille d’honneur de Dona Maria de Portugal une si vaste érudition en matière érotique. On fut un peu plus longtemps à revenir sur le compte de Meursius et, en plein XVIII siècle, quelques critiques étrangers attribuaient encore l’Aloysia au laborieux érudit Hollandais. On songea aussi à Isaac Vossius et à Jean Westrène, jurisconsulte de La Haye; mais en France le jour était fait depuis longtemps sur cette question, et de son vivant même Chorier put voir que le masque derrière lequel il s’abritait ne tarderait pas à être arraché. Un passage de ses Mémoires, écrits en Latin, restés longtemps inédits et que la Société de Statistique de l’Isère s’est enfin décidée à publier dans son Bulletin (tome IV, 1846), le montre aux prises à ce sujet d’une manière assez violente avec l’Intendant de justice du Dauphiné, sur la dénonciation d’Étienne Le Camus, évêque de Grenoble.
Je m’attirai la haine de Le Camus, dit-il. Vingt ans auparavant la Satire d’Aloysia Sigea, écrite en Latin, d’un style élégant et fleuri, avait vu le jour. Lorsque tout d’abord elle tomba entre les mains des hommes, comme nul n’ignorait que je fusse savant en Latin, je ne sais quels lettrés me soupçonnèrent perfidement et injurieusement d’être l’auteur de cette Satire. Aux yeux de Le Camus, qui veut du mal à tout le monde, sans aucun égard pour les mérites, un soupçon qui n’a pas la moindre importance tient d’ordinaire lieu de preuve complète. Il s’étonnait, disait-il, qu’un pareil livre eût pu être publié impunément; il me désignait tout haut, afin d’exciter contre moi la malveillance. Pour persuader à d’Herbigny cette imposture, aussi éloignée de la vérité que les ténèbres le sont de la lumière, il remuait ciel et terre. Je fus trouver d’Herbigny, non pour m’excuser, mais pour repousser l’accusation. Tandis que je lui parle avec la liberté d’un honnête homme et d’un innocent, il m’échappe de lui dire que ceux qui m’accusaient avec tant de fausseté en avaient menti impudemment; je ne croyais pas le choquer en m’exprimant de la sorte. Mais indigné de ce que je ne tiens pas compte de son rang, il s’emporte et ne se contente pas de vociférer, il se met en rage contre moi avec d’autant plus de fureur que je m’efforçais plus soigneusement d’expliquer le mot. Que faire? Je me retirai de sa présence. Georges Matelon, de Vienne, supérieur des Capucins de Grenoble, me rapporta du caractère de ces deux personnages beaucoup de traits qui adoucirent mon chagrin. Je me consolai par le témoignage de ma conscience; ne me sentant coupable d’aucune faute, je n’avais à pâlir d’aucune.
La conscience de Chorier était beaucoup moins nette qu’il ne se plaît à le dire, et si l’évêque ne put fournir contre lui, à cette époque, des preuves absolument convaincantes, Chorier nous en a laissé assez, dans ses Mémoires, dans la Préface d’une édition nouvelle de l’Aloysia (1678 ou 1679), dans son recueil de Poésies Latines publié à Grenoble en 1680, pour que nous soyons tout à fait édifiés. Les Mémoires, à côté de la dénégation intéressée qu’on vient de lire, contiennent cet aveu précieux, que Chorier, dans sa jeunesse, avait composé deux satires, l’une Ménippée, l’autre Sotadique. La satire Ménippée est perdue, mais la Sotadique est évidemment celle qu’il a publiée sous le nom de Luisa Sigea. Tout en niant comme un beau diable en être l’auteur, il n’était pas fâché de laisser à la postérité des indices auxquels elle pourrait reconnaître la véritable paternité de l’oeuvre. Il en a encore fourni d’autres, avec une imprudence dans laquelle on peut très bien voir un calcul. L’édition de 1678 (ou 1679) renferme, outre un septième Dialogue resté vingt ans inédit, deux pièces de vers, De laudibus Aloysiæ et Tuberonis Genethliacon, que Chorier a reconnues siennes en les insérant dans son recueil de Poésies de 1680. Cet indice a été relevé comme suffisamment probant par l’abbé d’Artigny, La Monnoye, Lancelot, etc.; il l’est bien davantage si l’on rapproche le Tuberonis Genethliacon de certain passage de la Préface où les mêmes invectives sont reproduites contre le personnage voilé sous le pseudonyme de Tubero, qui paraît avoir été un ennemi personnel de Chorier. L’importance de cette Préface (Summo viro Aloysia, ex Elysiis hortis) a échappé à tous les critiques; son examen aurait pourtant donné plus de certitude à leurs conjectures». In Alcide Bonneau, Curiosa, Essais critiques de Litterature Ancienne Ignorée ou Mal Connue, Isidore Liseux, Editeur, Paris, 1887,Project Gutenberg.

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